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Manuel Evrard

Dernière mise à jour : juin 2023

 

 

Manuel Evrard 

Directeur de l’OPN, l’Organisation des Pêcheurs de Normandie

 

« La durabilité des ressources passe par une exploitation raisonnée et équilibrée de l’ensemble des espèces de l’écosystème et par une bonne traçabilité au sein de la filière. »

 

 

Manuel EVRARD dirige l’OPN, une organisation de producteurs qui fédère 235 navires de pêche artisanale, principalement répartis entre Granville et Honfleur.

Les organisations de producteurs, telles que l’OPN, sont prévues par la politique commune des pêches et ont pour objectifs de gérer les captures et la mise en marché des ressources naturelles qu’exploitent leurs adhérents. Les enjeux sont de répartir au mieux tout au long de l’année les quotas de pêche qui leurs sont alloués annuellement par la Commission européenne et d’en optimiser la valeur marchande. L’OPN met ainsi en place des règles de captures que les pêcheurs professionnels doivent respecter pour de nombreuses espèces : plafonds de captures par marée, tailles minimales de mise en marché allant au-delà des tailles de commercialisation réglementaires, recommandation de non pêche d’espèces sensibles (mais cependant autorisées par la réglementation : renard de mer, requin peau bleue, pocheteaux…). L’OPN intervient aussi sur la mise en marché des produits, en encourageant l’harmonisation des normes de commercialisation et en mettant en place pour ses adhérents des prix minimum d’intervention, destinés à stabiliser les cours.

Depuis plusieurs années, l’OPN s’appuie sur l’association Normandie Fraîcheur Mer (NFM), pour valoriser des espèces « bon plan », méconnues et souvent considérées à tort comme moins « nobles » : tacaud, grondin rouge, dorade grise, congre… L’objectif poursuivi est une prise de conscience sur l’importance de diversifier notre consommation (et par conséquent diversifier les approvisionnements), afin de diminuer la pression sur certaines espèces sur-représentées dans notre alimentation et donc très fortement exploitées ou élevées (cabillaud, saumon…) et ainsi contribuer à préserver les ressources marines tout en se régalant !

« Il y a nécessité de répartir la demande sur l’ensemble des espèces de l’écosystème, pour éviter de générer une surpêche sur les espèces trop convoitées. »

Cette vision d’une consommation et d’une pêche équilibrée et supportable à l’échelle de l’écosystème est valable tout autant pour les espèces de raies et de petits requins relativement abondants dans les eaux normandes et qui présentent des évolutions de stocks plutôt favorables en Manche Est (raie bouclée, raie lisse, raie douce, raie fleurie, petite roussette, émissole tachetée, aiguillat commun…).

« On est très loin des pratiques de finning (prélèvement des ailerons) qui conduisent à la raréfaction des grands requins. Les raies et les requins capturés en Normandie sont des espèces côtières, de plus petite taille que les requins pélagiques, et à plus forte capacité de reproduction. Elles sont commercialisées sur le marché français pour la consommation de leur chair.  »

Conscient pour autant de la nécessité d’améliorer encore le suivi et l’encadrement de ces espèces, l’OPN et ses producteurs adhérents sont aujourd’hui engagés dans des programmes ambitieux, pour améliorer la gestion des stocks de raies et requins :

  • L’OPN souhaite en effet aboutir à une traçabilité précise des raies et des requins tout au long de la filière. Car force est de constater que les raies et requins côtiers sont la plupart du temps commercialisés sous les appellations « raie » ou « aile de raie » avec parfois encore l’usage du nom scientifique générique « Raja spp. » pour les raies, ou sous la dénomination « saumonette » pour les requins une fois pelés.
  • Des efforts importants ont été ainsi conduits depuis une dizaine d’années pour une meilleure identification des espèces à bord des navires de pêche et en criée. Des grilles d’identification des espèces et un recueil OPN des règles de mise en marché ont été développés en partenariat avec NFM et diffusés aux professionnels. Ces outils et cette démarche commencent aujourd’hui à porter leurs fruits.
  • Par ailleurs, dans le cadre d’un partenariat OPN, NFM et Ethic Ocean, un guide « Raies et requins en Manche » a été élaboré et diffusé début 2022 afin de :
    • faire un état des lieux de la situation des stocks de raies et requins en Manche, sur base des données scientifiques disponibles 
    • sensibiliser les acteurs de la filière sur l’importance d’une meilleure traçabilité pour permettre à tout un chacun (commerçants et consommateurs) de savoir quelles espèces ils achètent ;
    • mieux valoriser les espèces les plus abondantes et préserver les espèces les plus fragilisées.

 

Des enjeux subsistent : les raies sont pêchées de manière régulée en Europe et en France, mais la majorité de ces espèces font l’objet d’un seul TAC* commun, sans distinction d’espèces et sans prendre en considération l’état des stocks propre à chaque espèce (i.e. : TAC commun pour les espèces de raie douce, raie lisse et raie fleurie).

La majorité des espèces de requins côtiers ne font pas l’objet de TAC (niveau européen) ni de quota (niveau national).

Ainsi, l’OPN a engagé en juin 2021, avec différents partenaires de la filière, un projet d’amélioration de pêcherie (FIP**) pour la raie bouclée, qui représente à elle seule 62 % des captures normandes de raies. Le plan d’action du FIP a pour objectifs principaux de contribuer à améliorer les connaissances sur cette espèce afin de la faire passer en catégorie 1 (c’est-àdire dotée de données suffisantes et permettant une évaluation scientifique complète) et à terme aboutir à un TAC spécifique pour la raie bouclée. L’aboutissement de ce projet permettrait ainsi une meilleure gestion de la raie bouclée et des autres raies actuellement encadrées sous le même TAC et d’obtenir la certification MSC pour la raie bouclée de Manche Est.

Pour Manuel EVRARD, « ce projet montre les efforts entrepris par nos professionnels en faveur de la gestion de ces espèces. Il reste à nous assurer que les informations passent bien tout au long de la chaîne de commercialisation jusqu’aux consommateurs, afin d’établir des filières transparentes et vertueuses ».