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Christian Decugis

Dernière mise à jour : Juin 2023

 

 

 

Président Low Impact Fishers of Europe (LIFE)

 

« Pour avoir une pêche plus durable en Méditerranée, il faudrait commencer par faire appliquer la réglementation en cours, tant pour les grands bateaux que pour les petits. »

 

 

Petit-fils de pêcheur professionnel aux petits-métiers, Christian Decugis exerce cette activité depuis 1980 à Saint-Raphaël dans le Var. Il utilise filets, palangres du large ou encore casiers. Membre de la Prud’homie de pêcheurs depuis 1980, Prud’home depuis plus de 20 ans, Président du Comité Local des Pêches de la région du Var de 2009 à 2012, Christian est l’un des membres fondateurs de Medarnet, une plateforme méditerranéenne en faveur des pêcheurs artisanaux. Il est actuellement Président de l’APAM, association qui porte le GALPA Estérel Côte d’Azur (structure qui finance des projets de développement local pour la pêche l’aquaculture et l’environnement sur une enveloppe du FEAMP) et Président de LIFE (Low Impact Fishers of Europe).

 

La Méditerranée est une mer presque fermée, très profonde (fosse Calypso à 5 267 m) et regorgeant d’une grande diversité d’écosystèmes. Divers enjeux menacent cette mer et ses ressources : pression de pêche, réchauffement climatique, pollutions…

 

La pêche en Méditerranée

80 % des espèces sont surexploitées en Méditerranée. « Mais les études portent uniquement sur une vingtaine d’espèces, or ce sont 243 espèces différentes qui sont débarquées ! Ça ne veut pas dire que les espèces non suivies sont en bonne santé, mais ça ne veut pas non plus dire qu’elles sont en mauvaise santé. Il y a un manque de données. Pour les espèces qui sont suivies et qui sont en danger, c’est certain qu’il y a problème de surexploitation, centralisée notamment dans le golfe du Lion, dans le canal de Sicile et dans l’Adriatique. Ce sont des zones de nurserie et la pêche au chalut y est très importante.

Pour avoir une pêche plus durable en Méditerranée, il faudrait commencer par faire appliquer la réglementation en cours, tant pour les grands bateaux que pour les petits. La moitié du Fonds Européen aux Affaires Maritimes et à la Pêche (FEAMP) est attribuée aux contrôles, et pourtant… il y en a très peu… ».

 

Un exemple concret d’espèce qui a souffert du manque de réglementation et de contrôle c’est le thon rouge, espèce emblématique de Méditerranée qui a été victime de la surpêche et de la pêche illégale dans les années 1990 – 2000. Grâce à la mise en place d’une réglementation plus stricte sa population se porte mieux. « Le thon rouge est la seule espèce suivie par les scientifiques, qui n’est plus sur la liste des espèces reconnues comme surexploitées. Aujourd’hui, une des problématiques liées au thon rouge est l’attribution des quotas. 90 % sont dédiés à la pêche industrielle, la pêche artisanale se partage les 10 % restants. Avec le système d’antériorité, il est extrêmement compliqué pour un jeune qui débute en pêche artisanale d’avoir des quotas. »

 

En Méditerranée, pêche artisanale et pêche industrielle cohabitent. La grande majorité des pêcheurs travaillent entre 0 et 100 mètres de profondeur. Les chalutiers exercent sur le plateau continental à l’ouest de Marseille et les petits métiers à l’est de Marseille, sur une surface plutôt rocheuse.

 

Pour Christian, la définition officielle française de pêche artisanale (statut administratif pour des bateaux de moins de 25 m avec le propriétaire embarqué à bord) ne lui convient pas. Il se sent plus proche de la définition européenne (bateau de moins de 12 m avec des sorties de moins de 24 h et sans engin traînant).

 

« Il ne faut pas opposer systématiquement pêche artisanale et pêche industrielle par rapport aux dégâts environnementaux. Il n’y a pas de mauvais outils, il n’y a que de mauvais ouvriers. Il est possible de faire de gros dégâts avec un petit bateau de 6 m tout comme avec un chalutier de 25 m. De même, des bateaux de plus de 12 mètres peuvent avoir des pratiques responsables. Ce sont les pratiques qui doivent être durables. »

 

Changement climatique

De par ses caractéristiques, la Méditerranée est une des mers qui subira en premier les effets du changement climatique : montée des eaux, augmentation des températures, impact sur les espèces, acidification…

« Des espèces non endémiques, importées ou qui migrent par exemple depuis la mer Rouge en passant par le canal de Suez, arrivent dans nos eaux. Certaines de ces espèces sont invasives et peuvent bouleverser l’équilibre des écosystèmes.

Cependant, certaines peuvent être valorisées par les pêcheurs : Le poisson-lion qui a très bon goût est fréquent en Grèce et arrive en Italie, il n’est pas encore présent en France. Il y a également le crabe bleu qui a envahi les eaux tunisiennes et qui détruisait les filets des pêcheurs. Les Tunisiens se sont mis à les pêcher au casier et à les transformer. En France, cette espèce arrive en Languedoc-Roussillon. Des programmes de recherches étudient les opportunités de transformation et de valorisation 

 

Pollutions

« Un effort important a été fait en Europe sur le traitement des eaux usées avec l’installation de stations d’épuration. Mais ce n’est pas le cas pour tous les pays riverains de la Méditerranée où pour certains, tout part à la mer comme en France dans les années 60. À notre échelle, nous luttons contre la pollution plastique. Depuis 10 ans, nous menons un projet pour recycler les filets de pêche (dont la durée de vie sur les bateaux est de 1 à 5 ans). Les filets sont composés de polyamide, un matériau imputrescible qui n’est pas recyclé et qui est donc soit incinéré ou enfoui. Avec notre projet « Fili déchets », les filets sont récupérés et recyclés en monture de lunettes. »